Des étudiants hyperconnectés


En matière d’éducation, on peut observer une connexion massive et quasi permanente des étudiants internationaux tout au long de la journée, ce qui semble avoir un effet sur leur comportement comme sur celui de la plupart des étudiants dans les pays industrialisés. Allant dans le même sens, une étude menée par Kessler (2011) a étudié les usages de 500 étudiants états-uniens de premier cycle et a trouvé que trois quarts d’entre eux étaient incapables d’étudier sans aucune forme de technologie et que plus d’un tiers déclaraient être incapables de laisser s’écouler dix minutes sans consulter leur ordinateur portable, leur téléphone intelligent, ou leur tablette. Parmi la palette des outils numériques disponibles, le téléphone intelligent semble être l’agent principal de cette connexion permanente, ses caractéristiques matérielles permettant des utilisations à la fois nomades et discrètes différentes des ordinateurs portables plus lourds et plus visibles. Les étudiants internationaux et, plus massivement encore parmi ceux-ci, les étudiants asiatiques, utilisent fréquemment les dictionnaires/traducteurs électroniques, souvent difficilement distinguables des téléphones intelligents, ce qui a habitué les enseignants de FLE, depuis quelques années déjà, à voir les étudiants manier ces outils pendant leurs cours. Des études empiriques menées sur l’utilisation de ces outils de recherche lexicale seraient d’ailleurs utiles pour fournir des indications pour leur meilleure intégration aux cours de langue. Si, pendant le temps de la classe, les outils numériques sont surtout utilisés par les étudiants à des fins éducatives, force est de constater qu’ils sont parfois un moyen de tromper l’ennui et de s’évader du cours par le biais des réseaux sociaux comme le montrent également d’autres études empiriques (par exemple Kay et Lauricella, 2014). Les étudiants de l’échantillon ne sont après tout que 44% à reconnaître qu’ils n’utilisent jamais les réseaux sociaux pour maintenir le contact avec leurs connaissances hors de la classe et 60% à ne jamais céder aux injonctions des réseaux sociaux alors même qu’ils sont en train de suivre un cours). Par rapport au temps de la classe, les technologies numériques ménagent donc des décrochages dans lesquels vient se délester l’ennui parfois ressenti, se ressourcer une présence au monde hors de la classe, où un autre temps a cours, d’autres actions se déroulent et d’autres vies se manifestent. Dans ces moments où l’engagement dans l’activité de la classe est mis en concurrence avec des activités numériques, il semble bien que les étudiants fassent preuve de ce que Boullier appelle « une attention multifocale » qui leur permet de faire des échappées numériques vers d’autres contextes que celui de la classe sans qu’on puisse déterminer ce qui relève de la stratégie ou de l’habitude compulsive, évaluée comme « plus pulsionnelle que génératrice de sens » par Martin-Juchat et Pierre.


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